- LOIRE (PAYS DE LA)
- LOIRE (PAYS DE LA)Les pays de la Loire groupent, dans le sud-ouest du Bassin parisien, un ensemble de régions liées par de profondes affinités géographiques: unité hydrographique, atonie du relief, diversité des sols, douceur du climat. L’axe en est constitué par le Val de Loire, berceau de l’Orléanais, de la Touraine, de l’Anjou; les bordures par le Berry et le Poitou au sud, le Maine au nord. Cette entité géographique diffère donc de la région programme du même nom, qui comprend cinq départements: Sarthe, Mayenne, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique, Vendée. Étendus (60 000 kilomètres carrés sur neuf départements), mais peu peuplés (3,7 millions d’habitants), voués par nature à l’agriculture, engagés dans la décentralisation, animés par une vie de relations active, les pays de la Loire participent de façon originale, dans le voisinage de Paris, à l’économie nationale, au point d’avoir connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la distribution de leurs activités, bien des mutations.1. Les traits physiquesL’atonie du reliefLes pays de la Loire sont l’une des régions de France topographiquement les moins différenciées. Exondés dès la fin de l’ère secondaire, ils portent dans leur platitude la marque d’une usure intense (pénéplaine éocène). L’affaissement généralisé qui les a affectés au Tertiaire, et qui devait aboutir au détournement de la Loire du nord vers l’ouest et à une double concentration de drainage en Touraine (Cher, Indre, Vienne) et en Anjou (réseau de la Maine), a interdit toute reprise de l’érosion. Sur les neuf dixièmes de leur superficie, ils ne dépassent pas 200 mètres d’altitude. Les vallées sont amples, peu profondes: Cher, Vienne, Maine, Loire surtout, dont le val s’individualise magistralement dans les pays traversés, Val en Orléanais, Varennes en Touraine, Vallée en Anjou.Les accidents structuraux sont rares: boursouflures anticlinales crevées en brays (Ligueil en Touraine, le Lathan en Anjou) ou non (forêt de Marchenoir en Beauce), escarpements de faille (coteaux du Layon en Anjou), cuesta crétacée enveloppant, du Berry au haut Maine par le Châtelleraudais et le Saumurois, la gouttière ligérienne.Il faut atteindre les marges de la région pour voir, avec la lente montée du socle primaire et de sa couverture, le relief prendre quelque vigueur. Au Nord, un saillant du massif Armoricain porte à 417 mètres aux Avaloirs et dans la forêt d’Écouves les pittoresques Alpes mancelles où la Sarthe se tord au fond d’une gorge granitique surimposée. Au sud, Poitou et Berry font transition avec le Massif central.La diversité des solsPeu diversifiés dans leur relief, les pays de la Loire le sont au contraire dans leurs sols, en raison de leurs vicissitudes géologiques. La disposition en auréoles des assises secondaires, conforme à la structure du bassin de Paris, y fait succéder, des bordures vers le centre, marnes liasiques, calcaires jurassiques, sables et craies crétacés. Leur précoce exondation a livré leurs surfaces à l’altération. Elle fut suivie d’un régime lacustre, puis marin, tandis qu’un long épandage déversait du sud sur la Brenne et la Sologne d’épaisses nappes de sables et d’argiles. Des dépôts de toute sorte couvrent la roche en place.Ils sont malheureusement pauvres pour la plupart. Les éluviums manquent de chaux. Le sidérolithique garde de grandes forêts; l’argile à silex donne, meuble, des gâtines aux sols lourds incomplètement défrichés; cimentée par silicification, elle donne des landes incultes (landes du Ruchard en Chinonais). Alluvions granitiques de Brenne et de Sologne, placages siliceux des varennes berrichonnes et des brandes poitevines souffrent des mêmes carences. Meilleures sont les terres de décomposition schisteuse de l’Ouest, où s’est répandu, du bas Maine aux Mauges par l’Anjou noir, un dense bocage, ou celles de décomposition marno-calcaire telles qu’on peut les rencontrer sur les horizons découverts des champagnes, Champagne berrichonne, Champeigne tourangelle, groies poitevines, précocement mises en valeur; mais toutes manquent de limon. Meilleures surtout sont les grasses marnes liasiques du Val de Germigny et du Boischaut, les faluns coquilliers de Touraine et d’Anjou, les alluvions des vallées; mais ils sont peu étendus. Ni les uns ni les autres ne font oublier la médiocrité de l’ensemble.La douceur du climatLes pays de la Loire rachètent ce handicap par la clémence de leur temps. Ouverts l’hiver aux influences atlantiques, mais coiffés l’été par les hautes pressions des Açores et abrités en toute saison des vents du nord par l’écran des collines de Normandie et du Perche, ils reçoivent des précipitation faibles (de 600 à 700 mm). Avec un ensoleillement de 60 à 80 heures en janvier, de 230 à 250 heures en juillet, supérieur à ceux de la région parisienne et des régions de l’Est, ils enregistrent des moyennes de température de 3 ou 4 0C en hiver et de 19 0C en été. Des excès comme la sécheresse de l’été de 1976 ou les froids rigoureux de 1985 et 1986 n’altèrent pas le caractère riant du climat ligérien, la luminosité des arrière-saisons en particulier.Végétation et cultures reflètent cette heureuse nature. Espèces atlantiques et méditerranéennes s’y côtoient. Le chêne vert est très répandu, le figuier mûrit jusqu’en Brenne. La vigne, à la limite pourtant de son aire, donne, même en plaine, des produits appréciés (Val de Loire, Sologne blésoise). Blé et maïs aux exigences contraires voisinent dans les assolements.Sur une superficie égale à plus d’un dixième du territoire français, les variétés régionales ne manquent pas. Elles sont plus nuances que contrastes. L’Ouest est la partie privilégiée. C’est l’Anjou et sa légendaire douceur, le «jardin de la France» de Touraine, le Poitou aux effluves aquitains. Palmiers, grenadiers, magnolias, camélias, amandiers croissent en pleine terre. Sensible à ses attraits, la cour nomade des Valois, dynastie du Nord en mal d’Italie, y chercha plus d’un siècle durant une compensation. L’Est est moins égal. Plus éloigné de l’Océan, il connaît des saisons plus marquées. Les essences méridionales disparaissent en Blésois. Mais les différences thermiques restent faibles: 0,3 0C d’amplitude annuelle entre Tours et Orléans, 0,9 0C entre Poitiers et Bourges. Le noyer, qui craint les fortes gelées, fut autrefois abondant en Berry. Face au Nivernais seulement, en Sancerrois, l’altitude aggrave les rigueurs de la continentalité. On sort ici de la région.2. L’économieL’agricultureL’économie ligérienne s’ordonne autour d’activités qui lui ont toujours valu une réputation d’équilibre. Elle repose traditionnellement sur l’agriculture, servie par le climat, l’attachement de la paysannerie à la terre et la proximité du marché parisien. Les sols marécageux ont été drainés, assainis (Grande Sologne des étangs, Brenne), les terres argilo-siliceuses amendées, chaulées (Gâtines). Bois et forêts, bien qu’étendus depuis le siècle dernier par l’enrésinement (haut Maine, Anjou blanc, Sologne), ne couvrent que 1,1 million d’hectares, 18 p. 100 du sol – 26 p. 100 pour l’ensemble de la France.Dans la mesure où elle subsiste, la différenciation régionale s’exprime moins en écarts de valeur foncière qu’en orientations culturales. Une forte spécialisation marque les campagnes ligériennes. Terres céréalières, les plateaux calcaires de Champagne s’adonnent à la culture du blé, de l’orge, du maïs, associés aux oléagineux (colza, tournesol). Propres à l’herbage, bocages et gâtines ont été gagnés à l’élevage. Longtemps représenté par un petit cheptel peu exigeant d’ovins, qui se maintient en Berry et en Poitou pour la viande (1,5 million de têtes), et de caprins, en Poitou, Touraine et Berry (230 000 têtes) pour le lait (fromages de chèvre de Sainte-Maure, Pouligny, crottin de Chavignol), l’élevage a pris avec le développement du gros bétail une place de premier plan, pour la boucherie dans l’Ouest et sur les embouches du Sud-Berry, pour le lait en Orléanais et en Touraine (2,9 millions de bovins). Les porcs sont au nombre d’un million (race de Craon en Mayenne). Il faut enfin souligner l’essor des petits élevages, poularde du Mans, geline de Touraine, oie en Poitou, faisan en Sologne, lapin angora en Saumurois. Sologne, Brenne, plateaux de Touraine pratiquent dans leurs étangs (32 000 ha dans toute la région, le quart des étangs français) une pisciculture de rapport (carpes, brochets, perches, friture).Les cultures délicates sont plus étroitement localisées dans le plantureux Val de Loire et sur ses «hauts»: vins réputés (sancerre, vouvray, saumur blancs; bourgueil, chinon, champigny rouges; mesland, amboise, layon rosés), primeurs et «pleins champs» (salades, carottes, radis, poireaux, céleris, concombres, asperges), fruits (poires, fraises, cassis), fleurs (roseraies d’Olivet, hortensias d’Angers), plants de pépinière, porte-graines. D’anciennes carrières exploitées dans la craie tuffeau donnent 70 p. 100 de la production française de champignons (123 000 tonnes sur 177 000). La Sarthe et le Cher excellent dans la pomiculture (reinette du Mans, «forêt» – verger – de Saint-Martin-d’Auxigny).L’agriculture ligérienne pose cependant des problèmes de débouchés et de structure. La production excède la capacité des marchés. Les moyens de stockage, silos, caves, chambres frigorifiques, sont insuffisants. La concentration de la terre a emporté en vingt-huit ans (1955-1983) la moitié des exploitations (110 000 sur 232 000). Touché aussi par la mécanisation, le secteur primaire, qui comptait, en 1954, 590 000 actifs (44 p. 100 des emplois de la région), n’en comptait plus en 1982 que 202 000 (13 p. 100).L’industriePlus récente, plus spectaculaire aussi, l’industrie a promu à un rang nouveau l’économie de la Loire. Elle ne fut jamais inconnue: le Berry travailla la laine, la terre à feu; le Poitou, la laine; l’Anjou et le Maine, le lin et le chanvre (toiles, cordages); tous eurent des forges actives. Mais, privée de charbon et manquant d’initiative, elle ne fut pas en mesure, au siècle dernier, de répondre aux exigences de la révolution technicienne du moment.Les conditions créées à son avantage par la souplesse de la distribution énergétique, des transports et du crédit l’ont complètement transformée. Elle groupe toujours des activités qui, rivées au milieu local, en exploitent les ressources: laiteries, conserveries, meunerie, charcuterie (Sarthe), textile (Berry), chaussures (Choletais), bois (Touraine, Sologne) céramique (Berry, Orléanais), ardoisières de Trélazé et fer de Segré (Anjou), fonderies (Maine, Berry). Mais la grande nouveauté de l’industrie ligérienne réside dans l’importance d’apports du dehors essentiellement suscités par la décentralisation parisienne après 1945, spontanée d’abord, dirigée ensuite (121 000 emplois créés depuis 1954 sur 600 000 en France). Bien desservis par le rail et la route (Paris-Nantes, ParisBordeaux, Paris-Toulouse, Nantes-Lyon) et offrant une main-d’œuvre docile, longtemps peu syndicalisée, les pays de la Loire ont accueilli des industries mécaniques (pièces automobile, machines-outils), électroniques (téléviseurs), chimiques (plastiques, parfumerie), textiles (bonneterie, confection). Ils se distinguent aussi par leurs usines d’armements (Bourges) et de pneumatiques. La construction de quatre groupes de centrales nucléaires (Avoine-Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux, Dampierre-en-Burly, Belleville-sur-Loire) les ont mis en vedette (8 745 MW sur 38 038, 23 p. 100 de la puissance électrique nucléaire française en 1985). De 360 000 en 1954 (27 p. 100 des actifs, France 36 p. 100) et 486 000 en 1968 (36 p. 100, France 40 p. 100), les effectifs de l’industrie sont passés, en 1982, pourtant touchés comme partout par la crise, à 534 000 (36 p. 100, France 34 p. 100), se distribuant entre grandes villes (Orléans, Tours, Angers, Le Mans) et villes moyennes (Bourges, Vierzon, Châteauroux, Blois, Poitiers, Châtellerault, Cholet, Laval). Un long retard a été comblé.Le secteur tertiaire: commerces et servicesLa croissance du secteur tertiaire a été plus rapide encore: 394 000 emplois en 1954 (29 p. 100 des actifs), 772 000 en 1982 (51 p. 100), soit de l’ordre de doublement (96 p. 100, contre 48 p. 100 dans l’industrie). Orléans, Tours, Angers, Le Mans sont de gros points de distribution et centres de desserte (triages ferroviaires des Aubrais et de Saint-Pierre-des-Corps). Des banques régionales rayonnent autour de Bourges, de Blois, d’Angers. Le Mans est le siège d’importantes sociétés mutuelles d’assurances. Tours diffuse sur neuf départements un grand quotidien régional, La Nouvelle République .Tourisme et villégiature représentent un apport plus original. Tout y prédisposait la région: sites naturels, plages, pêche, plaines et bois giboyeux; patrimoine artistique hors pair, de la foi romane et gothique aux magnificences de la Renaissance et du classicisme. Au cœur du «pays des châteaux», Blois, Chambord, Amboise, Chenonceau, Azay-le-Rideau reçoivent annuellement entre 300 000 et 450 000 visiteurs. La Sologne est le paradis de la chasse. Deux plans d’eau ont été aménagés, à Blois sur la Loire, à Angers sur la Maine. Tours multiplie les formes d’accueil: hôtellerie, festivals, congrès. Proches de Paris, les résidences secondaires sont fort recherchées.L’économie moderne crée enfin des besoins nouveaux de cadres d’administration, de gestion, de recherche. Un secteur tertiaire supérieur s’est ainsi développé qui, à l’exception de l’armée (écoles d’application du génie à Angers, de l’arme blindée et de la cavalerie à Saumur, du train à Tours, du matériel à Bourges, préparatoire de gendarmerie à Châtellerault), fit longtemps défaut. L’université, jadis limitée à l’académie de Poitiers, s’est affranchie, depuis 1962, du joug parisien (Orléans, Tours, Angers, Le Mans). Bourges s’honore du renom de sa maison de la culture (Printemps de Bourges ).3. La population et les villes; l’organisation régionaleLe renouveau dont les pays de la Loire ont été le théâtre est d’autant plus salutaire que leurs populations accusent dans leur distribution de profondes faiblesses. La région est peu peuplée. Avec un effectif de 3,7 millions d’habitants (1982), elle présente une densité moyenne inférieure de plus d’un tiers à celle de la France (63 hab./km2 contre 100), tombant dans les campagnes à 30, dans les contrées les plus clairsemées à moins de 10, voire de 5 (Sologne, Pays Fort, Brenne).Les pays de la Loire n’ont que trop souffert de l’exode rural. L’effondrement de l’emploi agricole et l’absence de compensations industrielles et tertiaires en ont fait, pour Paris, des «réservoirs » de main-d’œuvre. Tandis qu’ils représentaient, en 1801, 8,8 p. 100 de la population française, ils n’en représentaient plus en 1982 que 6,9 p. 100. Le Cher, l’Indre, la Mayenne n’ont pas encore rattrapé leurs maximums de la fin du siècle dernier, le Loir-et-Cher, la Sarthe et la Vienne ne les ont retrouvés qu’en 1975. On peut estimer à 1,2 million de personnes le total de leurs pertes par émigration depuis les années 1850. La région a vieilli.La tendance s’est heureusement inversée. L’évolution des dernières années (1975-1982) montre des excédents, tant sur le plan naturel (100 200) que sur le plan migratoire (70 100). Elle est d’autant plus nouvelle que le bilan naturel est largement positif dans les villes (105 900) et est devenu négatif dans les campagnes (5 700), à l’exception de la Mayenne et du Maine-et-Loire, bocagers et catholiques. Le bilan migratoire, marqué par le desserrement urbain et la rurbanisation, est devenu largement positif dans les campagnes (90 500), négatif dans les villes (20 400). Même les villes-centres, dont les neuf chefs-lieux de département, voient leur population baisser (de 1 à 6 p. 100), entraînant, au Mans et à Laval, un fléchissement des deux agglomérations. C’est tout un style nouveau d’occupation du sol que l’urbanisation des campagnes a établi.Les villes n’en commandent pas moins l’organisation régionale. Si elles ne groupaient que 40 p. 100 de la population en 1954 (1,2 million d’habitants sur 3 millions), elles en groupaient plus de la moitié en 1968 (1,7 million sur 3,3, 52 p. 100) et 59 p. 100 en 1982 (2,2 millions sur 3,7). Le Loiret, par Orléans (220 000 hab. dans l’agglomération), et l’Indre-et-Loire, par Tours (263 000 hab.), approchent du taux d’urbanisation français: 71 p. 100 et 69 p. 100 contre 73 p. 100. Hiérarchiquement voisines, Angers (196 000 hab.) compose en Maine-et-Loire avec Cholet (56 000 hab.) et Saumur (33 000 hab.); le Mans (191 000 hab.) règne sans partage sur la Sarthe. À un niveau sous-jacent, mais toujours de commandement départemental, Poitiers (103 000 hab.) dirige la Vienne, assisté de Châtellerault (36 000 hab.), Bourges (92 000 hab.) le Cher, assisté de Vierzon (37 000 hab.), Châteauroux (67 000 hab.) l’Indre, Blois (61 000 hab.) le Loir-et-Cher, Laval (56 000 hab.) la Mayenne.Les pays de la Loire n’ont pas de métropole. Pris entre Paris et Nantes, mais aussi couverts d’un maillage de relations faciles multipliant partout carrefours et, partant, vie urbaine, ils n’ont été, dans l’histoire, qu’une juxtaposition de six provinces, puis de neuf départements, bien polarisés, certes, mais restés partagés, lors du regroupement de 1960, confirmé en 1972, entre Loire moyenne (région Centre) et marges armoricaines (région Pays de la Loire). Leur unité géographique n’en est pas moins très forte. Scellée par le milieu physique et ses transparences agricoles, elle l’a été aussi pendant les deux derniers demi-siècles par un long effacement; elle l’est, depuis quarante ans, par une dynamique qui a complètement inversé à son avantage son image de marque.
Encyclopédie Universelle. 2012.